Arrêts de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 11 juillet 2006 relatifs aux sanctions pécuniaires infligées aux commissaires aux comptes.

Publié le par Julie SIMON

 
La Cour de Cassation a rendu le même jour deux arrêts[1] dans des litiges opposant des commissaires aux comptes à l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Elle précise ainsi avec force le régime des sanctions prononcées par l’AMF à l’encontre des commissaires aux comptes, en combinant l’application des articles L 621-14 et L621-15 du Code monétaire et financier avec les articles 1e et 3 du règlement n°98-07 de la COB, alors applicable.
 
 
Les faits étaient les suivants.
 
Dans la 1e espèce, la société C2D avait pour commissaire aux comptes une société X donc Monsieur D était associé. Le 18 novembre 2004 l’AMF prononce à l’encontre de Monsieur D une sanction pécuniaire pour avoir « délivré des informations inexactes lors de la publication et de la certification des comptes » de la société C2D.
La Cour d’appel de Paris, le 25 juin 2005[2], annule la décision de l’AMF au motif que seule la société X peut être sanctionnée car les actes accomplis par ses associés le sont au nom et pour le compte de la société X, en sa qualité de commissaire aux comptes de la société C2D.
La Cour de Cassation casse cet arrêt en indiquant qu’une telle sanction pécuniaire peut être prononcée à l’égard de « toute personne physique ayant porté atteinte à la bonne information du public par la communication d’une information inexacte, imprécise ou trompeuse ».
 
Dans la 2e espèce, une seconde décision de l’AMF du 18 novembre 2004 prononce une sanction pécuniaire à l’encontre d’un autre commissaire aux comptes de la société C2D, Monsieur E, pour les mêmes griefs. Celui-ci voit son recours rejeté par la Cour d’appel de Paris le 25 juin 2005[3].
La Cour de Cassation rejette également son pourvoi. Comme dans la première espèce, la Cour rappelle qu’une telle sanction pécuniaire peut être prononcée à l’encontre de toute personne physique ayant commis les faits incriminés. Elle ajoute que la Cour d’appel a bien recherché si Monsieur E savait ou aurait dû savoir que les informations communiquées étaient inexactes et trompeuses.
 
 
La Haute juridiction apporte dans ces arrêts trois précisions importantes sur les sanctions infligées par l’AMF aux commissaires aux comptes.
 
Tout d’abord, les deux décisions rappellent avec force que les commissaires aux comptes entrent dans le champ d’application de la procédure de sanction prévue à l’article L621-15 du Code monétaire et financier. En effet, les commissaires aux comptes sanctionnés par l’AMF prétendaient qu’en leur qualité de commissaire aux comptes ils ne pouvaient être poursuivis sur ce fondement juridique. La Cour rappelle donc que ces textes sont applicables « à toute personne » ayant commis les faits reprochés. Cette solution est parfaitement logique. Malgré les quelques retouches récentes apportées aux textes en question, elle reste applicable. Ainsi, le règlement général de l’AMF reprend les dispositions du règlement COB 98-07 en cause dans ces litiges en incriminant « toute personne » auteur des faits[4]. Notons que, selon la Cour, un commissaire aux comptes est coupable de porter « atteinte à la bonne information du public par la communication d’une information inexacte, imprécise ou trompeuse » – et donc susceptible d’être condamné à une sanction pécuniaire – s’il savait ou aurait dû savoir que les informations communiquées étaient inexactes ou trompeuses. La Cour exclue le simple défaut de diligence, démontrant une vision très stricte du devoir incombant aux commissaires aux comptes.
 
Les deux arrêts présentés précisent – et c’est là une première jurisprudentielle – que la sanction pécuniaire peut être infligée non seulement à la société de commissaires aux comptes titulaire du mandat mais également personnellement au préposé ayant certifié les comptes au nom de cette société. Jusque là, il semblait acquis que le manquement ne pouvait être imputé qu’à la société titulaire du mandat, chaque acte étant accompli en son nom et pour son compte. C’est d’ailleurs la position adoptée par la Cour d’appel de Paris en 2005. La Cour prend ainsi le contre-pied de cette solution antérieure. Aussi nouvelle qu’elle soit, cette solution n’est pourtant pas surprenante ; en effet, pareille solution a été admise à propos des dirigeants de sociétés émettrices[5].
 
Enfin, la dernière précision apportée par la Haute juridiction concerne le statut du commissaire au compte au sein de sa société. Au visa de l’article L822-9 du code de commerce, elle indique que les fonctions de commissaires aux comptes sont exercées par des associés, actionnaires ou dirigeants de la société, et non en qualité de salarié, peu importe qu’il existe un contrat de travail.
 
 
Par ces deux arrêts simultanés, la Cour de Cassation a frappé fort et conforté fermement la position de l’AMF concernant ses décisions de sanctions à l’encontre des commissaires aux comptes. En réaffirmant clairement le champ d’application de la procédure, en clarifiant son régime, elle démontre que nul n’est à l’abri des conséquences de ses actes, et chacun doit assumer sa responsabilité.


[1] Cass. Com, 11 juillet 2006, n°05-18.337 Autorité des Marchés financiers contre D., et Cass. Com. 11 juillet 2006, n°05-18.528 E. contre Autorité des Marchés financiers.
[2] CA Paris 25 juin 2005 n°05-2268, RJDA 2/06 n°60
[3] Même arrêt : n°05-2268
[4] Règlement général de l’AMF, article 632-1.
[5] Voir notamment Cass. Com. 31 mars 2004 n°623.

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